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TEDGlobal 2013 : La fin du règne de l’homme blanc

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Assister à une conférence TED, cela revient à placer, pendant une semaine, son cerveau dans une bulle :  éteindre son téléphone, refaire le monde avec des inconnus, dans un anglais approximatif pour la plupart et jusqu’au bout de la nuit, se retrouver bombardé par un flot d’idées et d’émotions : 74 interventions de 18 minutes maximum chacune sans aucun fil directeur si ce n'est le thème de l’année : Think Again. Se remettre à penser. Y penser à deux fois. Avant de revenir à la « vie normale », il faut organiser le chaos. Attraper les idées au vol.

TEDGlobal 2013 à Edimbourg, Ecosse. 12-15 Juin 2013. Photo: Ryan Lash

Constat liminaire: Faute de se transformer vraiment, l’économie occidentale n’a pas trouvé les sources de son rebond. La technologie peut mener au pire (les drones armés, internet comme mise à mort de la vie privée) comme réserver de très belles promesses (la médecine régénérative en général, la réparation de la moelle épinière avec Grégoire Courtine). Le politique a avoué son impuissance (Papandréou en ouverture de la conférence). Coincé dans sa relation aux ploutocrates (la canadienne Crystia Freeland), il échoue magistralement face aux grands défis de son temps : l’environnement, la jeunesse, la capacité à imaginer une société où la pacification sociale passe par autre chose que la télévision, les marques et la consommation. Le pouvoir, ses fondements, ses outils sont profondément dépassés, corrompus. Bref, cela ressemble à une faillite.

Vient ensuite la remise en cause. Pour l’entrepreneur chinois Eric X. Li, que cela nous plaise ou non, « la Chine ne croit pas à la vision occidentale du progrès ». Acquis à la solde du Parti, il en a vanté les mérites : l’adaptation, la méritocratie, la légitimité : « Vous partez du principe que des élections sont la seule et unique source de légitimité du pouvoir. Et que faites vous de la compétence ? L’Occident est un cycle perpétuel d’élections et de regrets. Le modèle politique chinois ne prétend pas à l’universalité. Il veut juste montrer que des alternatives existent ». Martelant le message, l’économiste anglaise super star Dambisa Moyo a présenté son dernier travail sur l’Afrique : « L’idée que la liberté et le développement économique vont de concert ne tient plus. C’est une illusion de l’Occident. Dans les pays en développement, la démocratie passe après le niveau de vie ». L’Afrique n’en finit plus d’être « the next big thing », l’Afrique du Sud, le Nigéria, le Kenya, le Ghana. Charles Robertson a rappelé les bonnes nouvelles : une relève politique, la maitrise des dettes publiques, l’investissement extérieur, surtout la démographie car oui, la Chine vieillit à toute vitesse. Selon lui tout dépend du niveau d’éducation, de la capacité du continent à éviter les erreurs de l’Occident et de la Chine. « Nous sommes l’Or » prédit le bloggeur sud africain Toby Shapshack. A l’image d’une vidéo diffusée pendant les pauses et des africains - entrepreneurs, artistes, universitaires - ayant fait le déplacement, une génération exposée à l’influence occidentale semble bien décidée à construire la sienne :


Alors oui, nous sommes des êtres hautement manipulables (la slovène Renata Salechi sur l’un des effets pervers de l'individualisme) et très manipulés (l’Italien Alessandro Acquisti sur les réseaux sociaux). Il faudrait pouvoir écouter les sons de la Nature (le travail de Bernie Krause), se réapproprier le flot du temps (la romancière indienne Abha Daewsar). Loin, très loin des gadgets et autres illusions de progrès ou de puissance, le moine Bénédictin David Steindl-Rast  a clôt la conférence avec des conseils ancestraux : « nous cherchons tous à être heureux, c’est le point commun de l’humanité. Seules les façons d’y parvenir diffèrent. Les difficultés de la vie sont des opportunités pour apprendre.  Alors quand elles se présentent, il faut pouvoir s’arrêter, s’autoriser à les considérer sous tous ses aspects. Et puis se mettre en marche, faire et vivre vraiment. STOP, LOOK and GO ». Une sorte de bienveillance en soi comme fondement de la résilience en tout.

Impossible, pendant son intervention, de ne pas repenser aux quelques leçons du courage de la semaine. Elles sont venues de visages inconnus. D’une voix mal aisée, le Nord Coréen Joseph Kim, 24 ans, a raconté son enfance affamée, son père mort d’épuisement, sa mère puis sa sœur parties pour toujours « chercher à manger », sa propre traversée de la frontière, en plein jour, son errance en Chine « plus dure que la Corée du Nord », son arrivée dans un refuge puis son exil aux Etats-Unis, ses parents adoptifs, son appétit d’apprendre, pour « honorer mon père qui voulait que j’aille à l’école ». Aujourd’hui, il veut retrouver sa sœur et sa maman. Alors, pour quelques minutes, TED a eu des airs de « Perdus de vue », l'émission de télévision. De la scène, Jospeh Kim leur a envoyé un message d’amour et a lancé un appel à témoin. C’était limite. Ce sera probablement utile :  ce message ira sur le puissant site ted.com (1,4 milliard de pages vues) en espérant que sa sœur comme sa maman n’en seront pas trop loin. L’Internet comme force politique bien utilisée.

Le changement ne viendra pas de la technologie mais avec elle. Il ne se jouera pas au niveau des Etats mais des villes, grâce à des maires organisant l’innovation sociale et une urbanisation pensée par les habitants (Benjamin Barber). Le changement ne sera pas impulsé ni surtout pensé par des technocrates mais par la société civile et parmi elles les artistes, les jeunes et surtout les femmes.

Parmi les 74 intervenants, 31 d’entre elles ont pris la scène. Des scientifiques, des artistes, des journalistes, des activistes. Elles défient les lois dans leurs disciplines, cassent les tabous (Shereen El Feki et la sexualité dans les pays arabes, Anne-Marie Slaughter et l’impasse de l’obsession pour l’égalité hommes-femmes en Occident). Lors de cette édition 2013, il y eu beaucoup de standing ovation. Les hommes déguisés en professeurs  d'Harvard, notamment Michael Porter, furent applaudis du bout des doigts. Son intervention qui rabâche des thèmes qu’il évoquait il y a 20 ans (l’entreprise comme sources de solution pour le monde), fut l’occasion d’une pause. Les artistes (Jamie Cullum, Le Trio Joubran, Elizaveta) ont emballé tout le monde. Mais le vrai moment de grâce vint d’une femme voilée, retenant ses larmes, seule en scène. En prenant les rênes de son destin, un volant de voiture en l’occurrence, Manal al-Sharif a osé défier le pouvoir et surtout la culture de son pays l’Arabie Saoudite. Elle a parlé de son geste, et surtout de ses répercussions, de sa difficulté à tenir. Héroïne en Occident, elle ne reçoit que de la haine de son pays où son seul statut est celui de traitre. « La liberté c’est de vivre dans la dignité ».

Au fil des jours, un fil directeur s’est dessiné : nous sommes à la fin du règne de  « l’homme blanc ». On peut le regretter, s’y accrocher, le souhaiter. S'y préparer. La vraie question : qu’est-ce qu’on en fait ? Plus profondément, au delà des réflexions sur la notion de puissance, de richesse et de prospérité, le défi semble de comprendre, fondamentalement ce que « être connecté », à ce qui est, à ce qui vient, signifie. Oui, nous sommes hautement manipulés. Présupposés idéologiques, culturels ou religieux, il n’y a souvent même pas besoin de technologie. Alors, STOP. LOOK. GO : il n’a jamais semblé plus urgent de se remettre à penser.



















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